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Ne faites pas la sourde oreille devant « A Silent Voice »

Ne faites pas la sourde oreille devant

« A Silent Voice »

Toutes les émotions ne se transmettent pas par la parole.

La tolérance est un sujet difficile à aborder et à faire comprendre aux plus jeunes d’entre nous, et même à beaucoup d’adultes…

Le film d’animation « A Silent Voice » (V.O. Koe no katachi) se place pourtant parmi les rares œuvres modernes qui traitent ce sujet d’une manière presque parfaite.

A Silent Voice, qu’est-ce que c’est ?

Le film d’animation, produit par le studio Kyoto Animation (à qui on doit, entre autre, Clannad et Violet Evergarden, et qui a subi un malheureux incendie criminel en juillet 2019) et réalisé par Yamada Naoko, est tiré du one-shot éponyme de la mangaka Yoshitoki Ōima, qui deviendra un peu plus tard une série.

Présenté au Festival international du film d’animation d’Annecy 2017, le film est un immense succès aussi bien sur les terres nippones qu’à l’international.

Naoko Yamada - Silent Voice - Koe no katachi
Naoko Yamada

Quels thèmes aborde A Silent Voice ?

A Silent Voice a pour sujets l’ijime (le fait de se moquer, d’exclure quelqu’un d’un groupe car il est différent), le sentiment de culpabilité, la détresse, la dépression, beaucoup de sujet d’actualité finalement… Mais également l’amitié, l’espoir, la réconciliation (avec soi-même ainsi qu’avec les autres).

Nous suivons l’histoire d’Ishida Shoya, jeune trouble-fête, très populaire auprès de ses camarades de classe. Jamais avare en mauvaises blagues, il voit en Nishimiya Shoko une proie toute trouvée pour ses nouvelles moqueries : La jeune fille qui vient de rejoindre la classe de Shoya souffre de surdité, et ce sont ses appareils auditifs qui lui permettent d’entendre encore certains sons près d’elle.

Shoya va prendre un malin plaisir à martyriser la jeune fille, entre moqueries, blessures, bagarres, poussant même jusqu’à la destruction de ses appareils auditifs, pourtant extrêmement onéreux. Il sera suivi dans ses mauvais actes par Ueno Naoka, une jeune fille qui a toujours détesté Shoko, et qui voulait que Shoya la remarque. Ainsi, toute la classe s’amuse des malheurs de Shoko, jusqu’au jour où le proviseur annonce le changement d’école de Nishimya Shoko.

Shoya se retrouve alors seul responsable du harcèlement de son ancienne camarade, et tous ses amis lui tournent le dos et lui font subir cette même exclusion qu’il a tant apprécié infliger à Shoko.

C’est un pétard qui va ramener Shoya à la réalité,lui qui était en train de se remémorer ce mauvais souvenir. Nous retrouvons le personnage principal cinq ans après, sur un pont, près à commettre une tentative de suicide.

En pleine dépression, sa mise à l’écart par les autres jeunes l’a poursuivi toute sa scolarité, il est ainsi devenu un paria. Pour lui, les gens portent tous un X bleu sur le visage, signe de rejet immédiat s’il essaie de créer des liens avec eux. Un sentiment de culpabilité très fort l’a poussé à apprendre la langue des signes pour pouvoir s’excuser, de façon sincère, auprès de Shoko, avant de commettre l’irréparable. Mais c’est finalement cette dernière rencontre avec Shoko qui va lui permettre de s’accrocher à la vie.

La jeune fille, de son côté, se sent toujours coupable d’être différente, et passe son temps à s’excuser à cause de son handicap. Mais derrière ses excuses perpétuelles et son sourire inébranlable, on découvre une âme tout autant tourmentée que celle de Shoya. Elle est rongée par le même sentiment de remords et de culpabilité que lui, alors qu’elle n’est que la victime d’un monde sans pitié.

Ainsi, le film nous raconte comment ces deux personnages, si torturés, retrouvent lentement la paix intérieure, le pardon des autres mais aussi le pardon de soi.  Lentement, les visages masqués d’un X se découvrent, des amitiés se forment, d’anciens liens se reforment.

Partant sur une base très triste et une atmosphère assez pesante, le film devient pourtant peu à peu une vraie bouffée d’air frais, un rayon de soleil dans notre époque si maussade. Cette métaphore se retrouve dans le film, qui devient de plus en plus lumineux, plus coloré, jusqu’à un véritable feu d’artifice (d’émotions et de couleurs) dans le dernier acte.

Une animation réussie ?

Décors du film tirés de la ville d’Ogaki au Japon

Le film est très réaliste. La transposition de divers décors réels de la ville d’Ogaki est tout simplement bluffante. Nous ressentons l’important travail de repérage effectué par l’équipe d’animation pour ajouter le moindre détail. Le film nous plonge dans un véritable quartier, rendu vivant par l’arrière-plan tout aussi animé que le premier-plan. Le souffle du vent, le cours d’eau et ses carpes, les déplacements des personnages anonymes, tout est fait pour rendre la ville vivante.

Les couleurs sont saisissantes. La gestion de la luminosité est constante, l’ombrage est dynamique et très détaillé, les couleurs très réalistes. Les autres techniques de dessin ne sont pas laissées pour compte. Les ralentis soignés jusqu’aux larmes de Shoko, cette croix sur le visage des gens qui donnent une vraie forme très facile à comprendre à un sentiment de rejet, les effets de flou qui rendent les scènes plus intimes, la fluidité des mouvements des personnages parfaitement réalisés sont autant d’ajouts qui donnent vie à l’œuvre.

Faut-il voir A Silent Voice ?

silent-voice-shoya-shoko

Mettre en parallèle les sentiments du tourmenteur (bien entendu, Shoya ne restera pas un bourreau) et de sa victime est compliqué.

Pourtant « A Silent Voice » y arrive de façon magistrale. Nous sommes pris d’affection pour tous les personnages, les moments de joie et de tristesse nous remplissent d’empathie, ce qui devrait servir les plus jeunes spectateurs dans la compréhension du film. 

On peut généraliser la première partie du film à la jeune génération japonaise, et même planétaire, où ce mépris pour son prochain est devenu bien trop présent. À présenter à toutes les classes d’élèves au sein des établissements scolaires. À voir en famille pour pouvoir sensibiliser les plus jeunes à un sujet délicat, qui est toujours d’actualité, tout en passant un agréable moment. Je ne peux que vous inciter à voir le film le plus rapidement possible, et même plusieurs fois afin de tout d’abord comprendre, puis de transmettre le message véhiculé.